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13 août 2014 3 13 /08 /août /2014 15:07

Histoires (vraies) de (faux) suicides en prison

Les vrais suicides en prison ne sont pas plus élevés que dehors. Il y a une forte manipulation des chiffres, on arrive à faire dire tout et n’importe quoi aux nombres...

Dans les prisons, c’est l’enfermement qui pousse au dernier moment le doigt sur la gâchette. La moindre contrariété se transforme en obstacle insurmontable. Une femme qui vous quitte, une peine trop élevée, la solitude, la pression des détenus comme des surveillants, des circonstances qui aggravent l’état d’esprit des détenus et qui les poussent au passage à l'acte sans qu'ils le veuillent vraiment.

J’ai connu de faux suicides réussis, car les gars avaient mal calculé.

La faute à pas-de-chance

Je me souviens, aux Baumettes en 1992, un détenu s’est ainsi suicidé par malchance. Il était en cellule dans le bâtiment D au 4 eme étage, c’était en service de nuit. Pendant la nuit, durant leurs rondes les surveillants n’ont pas la clef des cellules, seul le brigadier les a. Cette nuit-là, le brave détenu entend le rondier arriver, il se coupe les veines et frappe comme un sourd a la porte.

Malheureusement pour lui, il a mal calculer son coup. En se tailladant il s'est sectionné l’artère fémorale. Le temps que le surveillant appelle le brigadier qui était aux greffes, que celui-ci franchisse toutes les grilles et arrive pour ouvrir, il se passe cinq ou six minutes environ, le détenu s’est entretemps vidé de son sang.

Aux Baumettes : une artère fémorale sectionnée ça ne pardonne pas.

Une corde trop bien tressée l'a condamné à mort

A la prison du Pontet – près d'Avignon, un détenu qui voulait sortir du Quartier disciplinaire (le cachot), feint une tentative de suicide. Ce sont ses codétenus qui ont pu lui suggérer cette solution pour échapper au mitard.

Malheureusement, il tisse de façon trop solide une corde avec des lanières déchirées de ses draps. (Les détenus ont droit à des draps au quartier disciplinaire.) D’habitude les surveillants commencent la distribution des repas par sa cellule. Dès qu’il entend le chariot de la gamelle, il se pend. Mauvais coup du sort pour lui, le brigadier a décidé de commencer ce jour-là par le quartier des isolés situé sur le même palier. Lorsque les surveillants arrivent à sa cellule c’est trop tard, le type est déjà tout raide.

Une corde trop bien faite, penser que l’astuce trop répandue qu'une tentative de suicide pourra vous faire échapper au QD, et pour finir un changement dans la ronde de distribution du repas, et voilà ! Ce bonhomme sûrement ne voulait pas mourir : simplement il voulait sortir de cette cellule.

Une corde tissée trop solidement l’a condamné à mort.

Un Lexomil pour prévenir les tentatives de suicide

Lors que je reçois un arrivant, je prends toujours le temps de bien l'observer. Je lui donne toujours le traitement prescrit en garde à vue par le médecin plus éventuellement un quart de Lexomil. Le Lexomil lui otera le stress et le rendra plus calme.

En plus c'est un cachet sécable en quatre et ne présente pas de risque en petite quantité. C’est pour cette raison que je me suis souvent permis d'en donner. Et comme souvent il y s'agit des « toxicos », le Lexomil pour eux, c'est une plaisanterie !

Choisir un codétenu de confiance

Un moyen de prévention contre le suicide, c’est généralement de 'doubler' l’individu fragile en ayant bien entendu choisi de placer avec un codétenu de confiance dont le tempérament sera une aide à la personne qui sera déprimée.

Avec tact, je fais comprendre au codétenu sa responsabilité et sur le risque qu'il encourt de « non assistance à personne en danger », s’il advient quelque chose à la personne que nous avons affectée dans sa cellule. C’est la raison principale des entretiens d'accueil afin de bien affecter les personnes fragiles.

D'autres moyens plus radicaux

Il y a d’autres moyens radicaux aussi pour éviter toutes tentatives de suicide. C’est de mettre à poil le dépressif, dans une cellule du quartier disciplinaire avec 2 matelas en mousse. Je l’ai pratiqué sur des personnes à risque... et ça marche !

Mais au lieu de se suicider dans le respect du code de procédure pénal, elle risque de porter plainte contre nous pour maltraitance. Pourtant, si je n'avais pas agi de cette manière, le type serait peut-être mort. La famille aurait porté plainte contre l’administration, qui sûrement se serait retournée contre moi ou un autre agent.

A Fleury-Merogis, j’ai connu pire encore : la cellule de contention. C’est une cellule pour les nerveux, les agressifs, ceux qui risquent d'attenter à leur intégrité physique. Elle est équipée d’un lit spécial « style sado-maso ». On y couche la personne à poil puis on attache les bras et les jambes, enfin on lui immobilise le torse avec une camisole fixée au lit. Avant de sortir on le couvre d'un drap par décence.

C’est barbare, mais efficace à 100 %. Mais c'est démocratiquement et déontologiquement inacceptable dans un état de droit. En 1987 cela ce pratiquait, actuellement je ne sais pas.

Les camisoles chimiques ont remplacé tout ça

Aujourd'hui la camisole chimique a remplacé ces procédés obsolètes. On donne volontiers des surdoses de médicaments qui ne tuent pas mais qui inhibent toutes velléités. Comme nous disons dans le midi : on les ensuque à coup de neuroleptiques, on les endort, comme on le fait dans les hôpitaux psychiatriques.

Je témoigne que certains détenus apprécient cet état qui les apaise et réclament leur dose de cachetons lors qu’ils se sentent devenir nerveux et irascibles. Ça les aide à supporter leur détention. C’est aujourd'hui le moyen le plus couramment utilisé pour éviter les tentatives de suicides.

Notre responsabilité est engagée

Notre responsabilité dans l’absolu c'est de rester 24 heures sur 24 derrière la porte des cellules. Mais alors c’est nous qui nous suiciderions. Et notre famille, contre qui porterait-elle plainte ? Plus sérieusement la Justice tentera toujours de trouver un responsable, même si la faute n’est pas évidente. Dans le code de procédure pénale, les avocats se chargeront toujours de trouver la faille.

Trop de textes tuent l’essence même des lois et nous faisons dire tout et son contraire à des textes : que nous soyons victimes ou accusés. Nous, les brigadiers et les surveillant sommes les fusibles qui empêchent les responsabilités de remonter trop haut dans la hiérarchie.

Personne ne peut arrêter une personne qui veut vraiment se suicider

Une chose est certaine : personne ne peut arrêter une personne qui a vraiment décidé de se suicider. Dix minutes avant de passer à l’acte, elle était tranquille, buvant un café et parlant de la pluie et du beau temps et puis... Personne ne peut rien y faire. A l'intérieur comme à l'extérieur.

Il est pourtant indispensable de mettre en place une prévention du suicide. Dans les hôpitaux psychiatriques par exemple, les personnes n'attentent pas à leurs jours. Pourtant elles le pourraient. Il y a bien des draps ou autres objets qui, détournés de leur usage, peuvent devenir des armes...

En particulier, de traiter les états dépressifs et de malaise en amont. Quant à savoir s’il y a plus de suicide en prison ou dehors cela ne me paraît pas important. Il faut être conscient que l’enfermement et la rupture avec les liens extérieurs sont la cause première. Les tentatives de suicide sont des signaux d’alerte. Tous : personnel pénitentiaire, psy, toubib et infirmier qui travaillons dans les prisons, nous nous devons d’être constamment vigilants.

Pour s'évader – loin au-delà des murs

Beaucoup de tentatives de suicide réussissent à cause du fait qu'elles sont arrivées à un mauvais moment, mais curieusement parmi tous les détenus que j’ai connus et qui ont fait une tentative ratée, aucun d'eux jamais n'a récidivé. Peut-être avaient-ils peur de mourir ?

La tentative de suicide est un cri d’alarme face à la condition carcérale. Souvent un refus d’exécuter sa peine, même si on est coupable. Ou peut-être, en définitive, un suicide, un suicide réussi est-il une autre façon de s'évader ? un certain pas loin au-delà des murs...

Le 21 juin 2013

LE TRAVAIL EN PRISON

Parce qu’on travail en prison ??? Oui avant d’y entrer je ne savais pas que c’était une ruche, avec une reine ou un roi (le directeur) et les abeilles, les surveillants, les détenus et les intervenants extérieurs

LES SURVEILLANTS

Tout le monde sait que c’est qu’ils travaillent, nous sommes là pas avec seule mission d’ouvrir et fermer les portes, nous sommes au quotidiens le premier interlocuteur du prisonnier. Le détenu est là contre sa volonté propre, car il préférerait, même si il a fait les pires horreurs, rester dehors.

Donc en plus de la garde et de l’entretien, nous devons faire face à leur contrariété d’être là. Ensuite il y un règlement plus ou moins applicable à faire respecter. Des actes pour la sécurité de tout le monde qui sont dégradant que nous sommes forcés de faire. A part quelques sadiques et pervers, je trouve rien de très excitant d’aller voir le trou du cul de quelqu’un pour être sur qu’il ne cache rien. Depuis des centaines d’années, c’est la cache préférée des malfrats, voir le récit « Papillon » d’Henri Charrière sur le bagne. Fouiller une cellule, lire un courrier n’est pas une tache plaisante. Pénétrer dans l’intimité des personnes c’est comme un viol. Pourtant, c’est nécessaire. Sur quelques détenus ciblés, grâce à la lecture des courriers, comme celle de l’écoute de leurs parloirs, nous avons évité des évasions.

Lorsque nous avons procédé à tous ces travaux de sécurité, il faut ensuite assurer la descente des promenades, des douches, parlé avec certains détenus qui ont l’air déprimé. Notre mission c’est la garde et l’entretien et plus faire que ce passage s’effectue de meilleures manières possibles. Que cela dur 10, 20, ou 30 ans, nous devons les faire sortir mieux qu’ils ne sont entrés que le temps qu’ils seront restés auprès de nous lui aura été profitable

LES AUXILLIAIRES

Les auxiliaires ou gamelleurs dans le langage local, c’est ceux qui distribuent les repas, les cantines et autres taches de fonctionnement en prison. C’est nous les gradé qui sur leur demande les recrutons. Nous vérifions leurs casiers judiciaires, le comportement qu’ils ont eu en détention voir les antécédents disciplinaires pour les classer.

Les auxiliaires d’étage ne sont pas amenés à sortir de l’étage, sauf aux Baumettes ou avec un surveillant ils vont chercher la gamelle. Ils sont libres de leurs mouvements à l’étage puisqu’ils s’occupent de la propreté.

Nous avons les auxiliaires aux cuisines, à la bibliothèque et autres fonctions utile au bon fonctionnement de la détention. Tout ces détenus on des contacts avec les autres. Il nous faut donc bien les choisir. Ils peuvent passer de tout et de rien même entre les bâtiments vus leur relative liberté de circuler. Ils peuvent entretenir un trafic, lorsque que ne sont que des choses de la vie courante, ce n’est pas bien grave. Si un caïd veut se faire la belle, alors il devient très dangereux, car sa liberté de mouvement peut lui permettre d’aider à une évasion ou à rentrer des objets ou substances (plastic par exemple) totalement interdite.

Ensuite, il y a les travailleurs qui effectuent des taches pour un employeur extérieur.

En 1998, dans la vieille prison d’Avignon, nous avions un atelier ou nous fabriquions des tuiles décoratives pour un commerçant de la région. Mon chef surnommé « Rantanplan » à auditionner un détenu pour l’atelier et l’a engagé. Moi, je ne l’aurai pas fait car les renseignements que contenait son dossier pénal, son comportement en détention et le faite qu’il soit prévenu, présentait un risque d’évasion. Donc mon bon, chef Rantanplan l’a fait intégrer les travailleurs. Moins d’une semaine après, le détenu c’est envolé par l’atelier qui n’était pas surveillé. Coïncidence étrange mes deux supérieurs dont Rantanplan étaient en repos. J’étais le seul avec la directrice comme responsable ce jour la. C’est moi qui était punissable, à qui on a offert un voyage au conseil de discipline Parisien afin d’être puni. Mais devant ma bonne foi le ministère ne m’a donné aucune sanction. Je raconte ce fait pour dire en quoi il est important de bien connaître le dossier du détenu avant de le classer dans des endroits à risques.

La décision de faire travailler un détenu est une grosse responsabilité. Je ne comprends pas que des autorités ont pu faire travailler un Treiber, alors qu’il avait tué la fille du comédien Jean Giraud et que celui-ci était en attente de procès. Sur des faits aussi précis que l’évasion dont j’ai été victime et le cas Treiber, je ne comprends pas comment on a pu classer et faire des travailler des personnes à risques et surtout en maison d’arrêt ou les mesures de sécurité sont moins daciques qu’en centrale, vu le mélange de population incarcérée.

Sans trahir de secret, à la maison d’arrêt du Pontet comme aux Baumettes, c’est des passoires pour celui qui veut faire la belle. Lorsque des poids lourds rentrent, nous fouillons la cabine, le chauffeur et la caisse de chargement. Je n’ai jamais fouillé le filtre à aire ou d’autres éléments du moteur, ni à l’intérieur des sièges, ni dessous le tableau de bord ou il peut y avoir des milliers de caches. On peut rentrer un bazooka, de la dynamite de la drogue etc. La solution je l’ai, elle est dans mon blog. Comme je le dis dans le paragraphe du « défi », c’est de faire un quai abrité à l’extérieur, mais fermé. On laisse la remorque au moins 24 heures, ensuite nous le faisons rentrer par un chauffeur de la pénitentiaire. Comme cela nous serons sur que rien n’aura été rentré frauduleusement. Ne jamais faire rentrer un camion avec son chauffeur, c’est la porte ouverte à tous les trafics, il suffit d’un chauffeur complice, de détenu travaillant à décharger les camions pour être exposé à tous les risques. Il est étonnant que nous n’ayons pas encore eu de catastrophe. C’est aussi une raison pour laquelle le recrutement des travailleurs est d’une importance capitale.

Le travailleur bénéficie de remise de peine spéciale. Les juges d’application des peines sont sensibles aux bonnes volontés des détenu de se réinsérer, donc plus cléments, s’ils sentent que celui-ci fait des efforts pour revenir dans le droit chemin.

TRAVAILLEURS EXTERIEURS

Pour finir il y a les travailleurs extérieurs, comme les assistantes sociales. C’est un élément essentiel. Ils sont le relais entre le détenu, sa famille et la justice. Ils aident les détenus dans leur tache quotidienne, pour avoir des aides sociale, faire des dossiers pour avoir des visites au parloir ou même des contacts avec des employeurs extérieurs pour bénéficier de liberté conditionnelle et transmet les souhaits ou vœux de la personne incarcéré au directeur, et a un avis à la commission d’application des peines. Nos rapports sont cordiaux tout ce qui peut apaiser la vie carcérale est un mieux et cela rend la détention moins stressante, c’est un plus.

Ensuite il y a les professeurs qui ont le sacerdoce de faire ce métier en milieu fermé. Nous avons aussi les avocats qui viennent arrondir leur fin ou début de mois. Pas de façon illégale mais en leur prenant à chaque visites des honoraires. Pour terminer il y a les visiteurs de prison. Souvent ils compatissent un peu trop aux situations des détenus et oublient les victimes. Il serait bien plus objectif que les visiteurs apportent une aide moral au détenu plutôt que d’abonder dans la plainte du sort de celle-ci.

Le dernier problème de tous ces gens intérieurs ou extérieurs, fonctionnaire, voir directeur, c’est qu’il ne faut pas qu’ils ne tombent pas amoureux d’un détenu. Il serait capable de faire les pires choses, nous l’avons vue avec Mesrine et bien d’autres personnes pour faire sortir la personne aimée, les archives des journaux sont pleines de ces faits divers.

La prison est une ville intérieure, avec des taches à faire comme dans une ville normale. Ce n’est pas un monde figé, c’est en perpétuel mouvement sauf en service de nuit.

La prison est comme une ruche elle, elle produit du miel, mais nous, je fais le vœu pieux que nous produisons des gens meilleurs qui seront le miel de la société.

Bruno belle conclusion !!!!

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